On aurait presque envie de dire qu’une fois de plus, un mythe s’effondre, mais en réalité, nous assistons plutôt à un lever de rideau. Un rideau qui se lève sur cette obscure scène du désir, désir toujours trouble, souvent occulté, parfois juste sordide. Une fois de plus, il est question de pouvoir. De séduction. De sexe, bien sûr. Une fois de plus, il est surtout question d’abus. Facile de dire que les victimes étaient consentantes, la preuve : elles en ont redemandé, visiblement, puisque certains faits se sont répétés ! Le pire, c’est que souvent, les hommes arrivent vraiment à se convaincre du consentement de leur proie. C’est tellement facile ! De se croire séduisant, attirant, sexy, même avec la paupière basse et l’érection en berne. Tentant de se croire encore irrésistible, séduisant, surtout quand au pouvoir s’ajoute la notoriété, elle-même exprimée dans des signes extérieurs de richesse, sans parler d’une certaine forme d’impunité à laquelle tous, visiblement, finissent par croire. Toutes les idoles accusées sont des hommes, que les plus polis disent être dans la fleur de l’âge mais qui, en réalité, sont juste vieux. Vieux surtout par rapport à ces jeunes femmes qui elles, sont vraiment des fleurs, bourgeons à peine éclos quand ont lieu ces rencontres dont elles dénoncent aujourd’hui la violence. Leurs motivations, à eux, sont évidentes, tout comme leur déni, érigé en unique système de défense. Ce qui interpelle, en revanche, se sont les mots utilisés par ces femmes abusées. Sidération. Déni. Admiration. Sentiments paradoxaux. Inconscience. Emprise. Influence. Certaines concèdent aussi avoir été flattées par l’intérêt de ces grands hommes, avant de réaliser de quelle nature était réellement leur intérêt. J’avais 14 ans lorsque mon père m’a mise en garde contre les hommes. Les mots n’étaient pas son fort, la séance d’éducation au désir masculin fut brute de décoffrage mais au moins, elle fut efficace. Jamais aucun de ces vieux libidineux qui tournent autour des femmes bien plus jeunes qu’eux, plus jeunes jusqu’au dégoût, n’a pu me prendre dans ses filets. Me dire tout le mal qu’il pensait du désir de certains hommes était le moyen trouvé par mon père. Mais ne faudrait-il pas plutôt élever nos filles pour qu’elles sortent, enfin ! de ce monde où l’on se tétanise devant le désir des hommes « qui ont réussi » ? Ne faudrait-il pas plutôt leur apprendre à être elles-mêmes l’objet de leur admiration ? Ne devrions-nous pas revoir ce système de valeurs qui veut qu’aujourd’hui, face à un homme de 20, 30, voire 40 ans son aîné, les femmes ne parviennent pas à faire la différence entre intérêt sincère (pour leur cerveau, par exemple) et emprise malsaine ? Apprenons à relever la tête, pour que ces hommes comprennent que personne n’a envie d’un doigt dans la culotte, sans consentement clairement exprimé. Qu’ils comprennent enfin que même s’ils suscitent l’admiration de certaines toutes jeunes femmes, ils ne réveilleront pas leur désir pour autant. Au yeux de la jeunesse, un vieux corps est un corps plus vieux encore, il est temps qu’eux-mêmes l’acceptent, au lieu de se servir des corps des femmes comme bouclier contre la décrépitude…