Gamine, quand je passais devant les kiosques à journaux, j’étais régulièrement fascinée par les magazines de cul (par une étrange inconscience des kiosquiers, ils étaient presque toujours exposés à hauteur de regard d’enfant). L’image qui s’est gravée en moi est celle de ces femmes légèrement vêtues, lascives, vautrées je ne sais plus sur quoi (pas sur des hommes, ça j’en suis sûre!) Les jambes largement écartées, le regard fixant l’objectif, provocant. Toutes ces femmes avaient – systématiquement – un doigt proche des lèvres du haut, un autre (ou deux) proche de celles du bas. Elles semblaient se livrer à une activité qui m’échappait encore, mais dont je pressentais qu’elle devait être pour le moins spéciale. Adolescente, j’ai enfin compris en quoi.

Je tentais donc de faire pareil.

Autant sur les couvertures de magazine la chose avait l’air simple, autant dans ma vraie vie, l’expérience, ou plutôt les expériences, furent longtemps génératrices d’une grande frustration ! Déjà, l’organisation était cruciale. Je devais m’assurer que ni mes sœurs, ni mes parents ne débouleraient dans ma chambre, trouver une position lascive sans me vautrer de mon lit étroit, surmonter mes appréhensions, qui s’apparentaient quand même un peu à de la honte (aucune idée pourquoi ! Mes parents n’étaient pas particulièrement coincés) et me vider la tête de toutes les recommandations des magazines féminins, pour qui se donner du plaisir en solitaire faisait indubitablement partie de la vie d’une femme libre et jouisseuse. Celle-là même que je rêvais de devenir.

Au début, je farfouillais vaguement sous ma couette, sans grand succès. Je dus donc me résoudre à suivre les conseils sortis de je ne sais plus quel magazine, et me munir d’un miroir de poche pour localiser mon clitoris. Je trouvais… intéressant de me mater la chatte afin de parvenir à l’orgasme toute seule comme une grande, mais cela impliquait une prise de risque encore plus grande. Je n’avais pas de clés sur la porte de ma chambre, je n’ose imaginer la tête de quiconque de ma famille, rentrant en trombe, et me trouvant sur mon lit, les fesses à l’air, le miroir grossissant familial entre les cuisses. Ma frangine ne m’aurait pas ratée…

Autant dire que j’étais quand même chaque fois un peu crispée.

Heureusement, j’ai joui dès mon dépucelage, ce qui m’a beaucoup rassurée quant à mes capacités organiques en générales, puisque mes compétences orgasmiques en solo étaient loin d’être à la hauteur de mes efforts. Pendant des années, je me suis ainsi branlée de fiasco en fiasco.

Jusqu’au jour où un homme, dont la voix me parvint par-dessus mon épaule, me supplia de me caresser pendant que lui-même gérait pour ainsi dire mes arrières. J’obtempérais, pour faire plaisir, mais pas à moi. Car j’avais beau me mastiquer la cerise, toujours rien. Jusqu’au moment où le mâle poussa un cri d’extase et se laissa tomber de tout son poids sur mon dos. Je me retrouvais coincée sous lui, un coussin placé par le facétieux destin juste au bon endroit. Ma réaction fut instinctive, mon bassin souple et ferme, et je connus mon premier plaisir auto-généré.

Forte de cette découverte testée et re-testée par amour de la science, je me suis souvent demandé si les représentations de la masturbation féminine n’étaient pas elles aussi largement inspirées par l’imaginaire masculin. Les avis divergent (sans jeu de mot aucun). Personnellement, je me caresse avec plaisir pour satisfaire les penchants voyeuristes de certains hommes. Seule, je continue de privilégier mon petit coussin.

D’ailleurs là…