Comme presque tous ceux et toutes celles qui écrivent, j’ai pour habitude de noter toutes mes idées, soit dans des cahiers, soit sur des post-it. Si les cahiers présentent l’inconvénient de mélanger rapidement un peu tous les genres, les post-it, eux, se révèlent redoutables lorsqu’il s’agit de se souvenir de ce qu’on avait bien voulu dire par « orgasmes silencieux ».

Une première recherche me renvoie à des sites pornos qui proposent manifestement cette étrange catégorie, or je sais que ça ne peut pas être ça, puisque je coupe systématiquement le son, au cas où il y aurait des dialogues. Mais rapidement, je (re)tombe sur un article de Slate, sur l’orgasme, en l’occurrence féminin, et son rapport aux bruits.* Qui est complexe, bien plus qu’il n’y paraîtrait puisque visiblement, « si [la femme] crie trop, le risque est grand qu’elle soit affublée du qualificatif «chaudasse». Mais on estime qu’une femme muette au lit n’apprécie pas les galipettes. Qu’elle est coincée, frigide ou autre appellation méprisante. »

L’article se concentre sur l’orgasme, n’évoque pas les milles jolis bruits du sexe, celui des baisers, le son indescriptible d’une langue sur une chatte trempée, le claquement des bassins l’un contre l’autre…

L’ouïe est un sens qui participe pleinement au plaisir, froissement des draps, souffles haletants, mots d’amour murmurés, ou au contraire : vocabulaire cru ; pas un mot non plus sur les rires qui accompagnent nos ébats, parfois, ni sur ces chuchotements, ces légers râles, et ces petits cris, de surprise ou d’exquise entre-deux entre plaisir et douleur qui habitent joliment nos rencontres charnelles.

Tout cela, l’article n’en parle pas, il se concentre – et le fait bien ! – sur l’expression auditive de nos paroxysmes sexuels. Je l’ai relu avec plaisir (il date de janvier 2020) et ai appris beaucoup de choses sur notre rapport aux bruits de l’orgasme. Moi qui ne voyais dans les feulements que l’expression du côté divinement animal du sexe, j’ai pu lire notamment que

« pour la réalisatrice féministe de documentaires Nina Faure, cela va probablement de pair avec l’idée plutôt répandue que l’orgasme féminin a quelque chose d’insondable, de compliqué, de difficilement atteignable, bref, de mystérieux. Le cri gémissant serait «une façon de valider, marquer physiquement un orgasme qu’on pense invisible». On tient à dévoiler le plaisir, lui trouver un indicateur que l’on présume aussi tangible, fiable et irréfutable que l’érection ou l’éjaculation. »

Ceci-dit, certains hommes parviennent à éjaculer et à hurler, j’ai même connu un homme à qui son meilleur ami avait conseillé de, je cite « bramer comme un cerf au moment où tu gicles ! » Jouissif lâcher prise, et tant pis pour les voisins.

Quoi qu’il en soit, si l’article évoque ces femmes qui se retiennent, moi, je me souviens du passage d’un livre dont malheureusement, j’ai oublié le titre. Sur quelques pages, le narrateur décrivait avec poésie comment son amante, grande expressive devant l’éternel, protégeait délicatement ses oreilles de ses mains au moment de son cri, par crainte, disait-elle, de lui crever les tympans.

Tendre et animale, douce et bruyante, déchaînée et délicate, je crois me souvenir qu’elle incarnait pour lui la maîtresse idéale, celle que l’on oublie jamais…

* http://www.slate.fr/story/185870/orgasme-plaisir-sexuel-femmes-cris-gemissements-silence

Image par Thomas Wolter de Pixabay