Bien sûr que j’en avais entendu parler. Qui n’en a jamais entendu parler, de ces lieux de débauche où hommes et femmes s’échangent et se baisent ? À deux, à plusieurs, en public, ou dans l’intimité d’une loge réservée. Ado je ne savais pas que ça existait ; aujourd’hui, la boite où auparavant j’allais danser l’affiche ouvertement, grosses lettres en 3D et rose fuchsia : « Le Boudoir – Club libertin ». Les mœurs se libéralisent. Ça commence avec Houellebecq et ça finit à Mussidan. C’est aussi ça, la modernité.
Est-ce que j’étais curieuse ? Oui… et non. Je m’imaginais des tas de choses, je voyais des corps s’emmêler et se démêler, comme dans ces scènes de porno qu’il m’était arrivé de regarder (c’est devenu tellement facile, de nos jours). Quelque part, ces images m’excitaient, oui. En même temps, je ne me voyais vraiment pas m’y rendre comme d’autres vont prendre un verre. Je ne comprenais pas comment on pouvait décider d’aller passer sa soirée en couple au club libertin du coin. Comment on pouvait monter dans sa voiture avec son compagnon en se disant qu’on allait certainement coucher avec d’autres devant lui, et qu’on le verrait, lui, baiser des inconnues. Se garer sur un parking discret, néanmoins visible. Faire la queue devant l’entrée les soirs d’affluence. Reconnaitre éventuellement des gens. On se salue dans ces cas-là ? Rentrer, et puis…
Et puis là, généralement, mon imagination ne suivait plus, je bloquais, je n’arrivais pas à voir plus loin que cette lourde porte que l’on pousse. Qu’est-ce qui attendait le visiteur derrière cette ultime barrière ? Aucune idée. Et ni mes propres expériences sexuelles ni mes fantasmes ne suffisaient à remplir ce club virtuel d’images et de sexe.
Je m’appelle Mélodie. Mélodie comme Mélodie Nelson. Je vous laisse deviner de qui mes parents étaient fans. J’ai 26 ans, je suis plutôt petite, blonde, assez menue. Les hommes avec lesquels je suis sortie m’ont toujours dit que je ressemblais à une poupée. Petite, malléable, facile à manipuler. J’ai ou plutôt j’avais une vie sexuelle « normale ». Enfin, basique. Rien d’extraordinaire. J’ai embrassé mon premier garçon à 13 ans, fait l’amour pour la première fois à 16, j’aime bien faire ça avec de la lumière, mais pas trop, les pornos m’excitent et me dégoûtent en même temps, j’ai testé une ou deux fois la sodomie pour faire plaisir, sans plus. J’aime les positions plutôt classiques, je porte des strings quand j’ai rendez-vous mais je n’aime pas garder mes habits quand je fais l’amour. Même si je trouve toujours compliqué le moment où on doit se déshabiller, quand on ne se connait pas encore très bien. Je n’ai pas connu beaucoup d’hommes. Deux histoires sérieuses, quelques mecs de passage. Rien d’extraordinaire. Et c’est à ce stade de ma vie pas très extravagante que j’ai rencontré Cyril.
Je suis vendeuse dans un magasin de chaussures. C’est comme ça que tout a commencé. Il est entré pour acheter des chaussures, tout simplement. Il n’était pas spécialement beau. Taille moyenne, mince, fringues basiques… Un visage ni beau ni laid, de ceux qu’on oublie à peine aperçu, sauf si… Son regard. Tout était dans son regard. Pas dans ses yeux, non. Eux, j’ai oublié jusqu’à leur couleur. Mais son regard…
Il m’a repérée tout de suite, une sorte d’instinct, je crois. Il m’a visée du regard depuis l’entrée du magasin, j’étais à l’autre bout, il m’a littéralement saisie des yeux. C’est moi qu’il voulait. C’est tout ce que j’ai senti dans ce regard. J’ai traversé le magasin pour le rejoindre, une vraie mouche attirée par la toile de son prédateur. Il m’a dit ce qu’il cherchait, je l’ai guidé dans les rayons. Je sentais son regard scanner mon dos, de la nuque à la naissance des fesses, puis descendre. J’ai trouvé des modèles de chaussures qui lui plaisaient, on a porté les boites ensemble jusqu’au coin d’essayage, cette fois, c’est moi qui marchais derrière lui. Sa démarche cadrait avec son regard : assurée, déterminée, forte, quelque chose de puissant dans sa façon d’avancer. Arrivée au groupe de fauteuil où les clients peuvent s’assoir, j’ai fait ce que je fais toujours : je me suis mise à genoux devant lui pour l’aider, lui passer les chaussures au fur et à mesure qu’il les essayait, mettre les boites de côté, ranger celles dont il ne voulait pas… J’étais troublée sans trop savoir pourquoi, je n’osais pas le regarder. À un moment, il a dit quelque chose, j’ai levé la tête, entre ses cuisses j’ai vu une bosse, impressionnante. Il me regardait. Il bandait. 2/26
Le soir même, Cyril venait me chercher à la sortie du boulot. D’où connaissait-il mes horaires ? M’avait-il attendue jusqu’à ce que je sorte, tout simplement ? S’était-il renseigné ? Aucune idée. Je ne lui ai jamais posé la question. Sans doute parce que cela m’a semblé normal de le voir. Une évidence. Je ne suis pourtant pas particulièrement fleur bleue, pas spécialement romantique. Mais Cyril avait quelque chose dans son regard qui faisait de sa simple présence devant le magasin un message du destin. Je l’ai suivi comme on suit son étoile, persuadée d’aller vers la lumière.
Il m’a amenée chez lui. Il vivait dans un appartement comme je n’en avais encore jamais vu. Un loft. Une immense surface tout en baies vitrées qui ouvraient la vue sur les toits. Quatre murs, du parquet, quelques tapis, peu de meubles, rien qui n’évoquait le classique triptyque « canapé-table basse-télé ». Une sorte de paravent presque transparent attirait l’attention plus qu’il ne le cachait sur un lit immense. Sur ma gauche, une installation qui ressemblait à un coin-cuisine futuriste occupait presque toute la largeur du mur. Je suppose que Cyril avait appuyé sur un interrupteur. En tout cas, différentes sources de lumière douce accentuaient l’ambiance feutrée, presque intime malgré les baies vitrées ouvertes sur le monde extérieur. J’étais encore presque sur le seuil, découvrant, éblouie, un univers dont jusqu’alors je ne pouvais que deviner l’existence, quand j’ai senti le souffle chaud de Cyril contre ma nuque. Il a posé ses mains sur mes épaules, et tout en m’embrassant délicatement dans le cou, m’a enlevé mon manteau. D’une main, il a alors saisi mon visage, l’enveloppant de sa paume pendant que son autre main glissait le long de ma cuisse à la recherche de l’ourlet de ma jupe. Ses lèvres jouaient toujours contre mon cou, me laissant la peau brulante, douloureuse presque. J’ai fermé les yeux. 3/26
Sa main avait entre-temps trouvé le bas de ma jupe, et fait doucement glisser le tissu vers le haut. Le bruit produit par le satin du vêtement qui frôlait la finesse des bas avait quelque chose d’électrique et d’excitant. Sans se presser, ses doigts ont cherché mon sexe, j’ai senti leur chaleur à travers l’étoffe de mes dessous. Il a commencé à appuyer, doucement, puis de plus en plus fort. Il retenait toujours mon visage et caressait du bout de la langue le lobe de mon oreille. J’ ai penché ma tête vers l’arrière, jusqu’à venir la poser sur son épaule, offrant ainsi mon oreille à la gourmandise de ses papilles. Il a compris mon offrande, et l’a acceptée, tout en glissant un doigt, puis un deuxième, dans ma fente trempée. Il s’est mis à jouer en moi un rythme que nul autre n’avait encore joué, lâchant mon visage pour glisser la main sous mon chemisier, ne prenant même pas la peine de le déboutonner. J’ai tout juste entendu le bruit discret de boutons arrachés finissant leur destin sur un parquet.
De cette nuit-là, je ne me souviens consciemment que du réveil. J’étais nue sur un tapis, un feu embaumait la pièce et la chauffait, dehors les éléments se déchainaient comme pour mieux me convaincre de ne pas quitter le loft, de ne pas quitter Cyril, comme si j’avais besoin qu’une tornade se déclenche pour ne pas vouloir partir. Parce que même si je ne parvenais pas à me souvenir de tous les événements de la nuit, une conviction était désormais gravée à jamais en moi, dans ces légères traces de morsures dans mon cou, dans le souvenir de la chaleur de ses mains plaquées sur mes hanches, et jusque dans la brulure entre mes cuisses, là où il m’avait si souvent pénétrée que je n’avais même plus pu mouiller assez. Il m’avait baisée jusqu’à assécher ma chatte. Ce matin-là, j’ai songé que plus jamais je ne pourrais coucher avec un autre homme. En une nuit, Cyril avait fait de moi sa chose. Son objet. Sa maitresse.
On peut lire beaucoup d’histoires sur ces femmes et des hommes rendus tellement accros à leur partenaire sexuel qu’ils en deviennent presque esclaves, perdant toute volonté, toute dignité, tout amour-propre. Acceptant des choses qu’ils n’auraient jamais pensé accepté, l’humiliation, le mensonge, la douleur…
Mon histoire à moi est bien moins banale. Parce que sous son charisme, derrière un côté certes un peu macho, il y avait en réalité un homme attentionné. Intelligent. Cultivé. Et surtout, un amant comme je n’en avais encore jamais rencontré. Son plus grand plaisir était de me faire jouir, et il était capable de passer de longues minutes à écouter les vibrations de mon corps pour mieux le satisfaire. Je me souviens d’un soir où je sortais de sa baignoire. J’étais nue, trempée, il m’a prise par la main, sans même me laisser le temps de me sécher. Il m’a conduite sur lit, m’a fait m’allonger, délicatement, puis est descendu tout le long de mon corps avec ses lèvres, le bout de sa langue, mordillant parfois tendrement ces parties où la peau est veloutée, fragile. Une fois à hauteur de ma touffe, courte, un triangle à peine frisé, il a écarté mes cuisses de ses paumes de mains, douces et chaudes. Il a approché son visage de mon sexe, l’a humé, d’abord, reniflé comme le ferait un animal curieux, il a léché du bout de la langue ce pli où la cuisse se perd dans un improbable mont vénusien, caressant mon bouton du bout d’un doigt, dessinant le pourtour de mes lèvres, comme s’il était aveugle et cherchait à me voir malgré tout. Je savais ce qui allait venir, ce n’était pas mon premier cunni, mais je ne savais ni quand ni comment. J’étais tellement excitée, tellement dans l’expectative du plaisir, que déjà je m’agrippais aux draps, gémissante.
J’ai d’abord senti le bout de sa langue prendre la place des doigts et retraçant mon sexe comme s’il peignait un tableau. J’ai senti cette pointe chaude et ferme aller et venir sur mes lèvres. Je l’ai sentie glisser un peu en moi, puis se retirer, ses lèvres se sont un peu resserrées sur mon clitoris, quelques secondes à peine, puis il a réintroduit sa langue dans ma chatte, un peu plus profondément cette fois…
Je devais être dégoulinante, il m’a donné de grands coups de langue, il me lapait.
Il a entendu ma respiration, compris que je n’aimais pas tellement cette langue trop goulue ; il est revenu à ce bout de langue précis, m’a sucée délicatement là où toutes mes essences de femme semblaient se concentrer. Il a introduit un doigt, doucement, puis un deuxième, et tandis que sa langue poursuivait sa danse lancinante, ses doigts caressaient une zone en moi dont je ne soupçonnais même pas l’existence. J’ai serré mes cuisses pour que jamais il n’arrête ; j’ai senti l’orgasme monter par vagues ; je me suis accrochée à ses cheveux pour ne pas chavirer de plaisir ; mon bassin, docile, a accordé son balancement au rythme de cette langue, de ces doigts. Il a plaqué ses mains sur mes cuisses pour que je serre encore plus fort sa tête contre mon sexe. Instinctivement, j’ai fait quelque chose que je n’avais encore jamais fait. C’était plus fort que moi : j’ai relevé la tête et la vision de cet homme entre mes cuisses a augmenté mon excitation que je pensais pourtant déjà à son paroxysme. J’ai joui comme jamais je n’avais joui.
Quand il a relevé la tête, son visage luisait de bave et de mon suc. Ses yeux brillaient d’excitation, il était beau, j’aurais pu fondre en larmes de bonheur. Il m’a prise alors avec délicatesse, introduisant son sexe en moi comme si c’était la première fois. Position classique et acte en douceur : autant il m’avait sucée avec fougue, autant il jouit avec délicatesse…
Depuis ce jour, il a toujours su exactement comment me prendre, toujours trouvé le bon rythme, la bonne pression, le bon moment, aussi. Attentif et sensible, il transformait mon corps en symphonie dont il était le talentueux dirigeant.
L’alchimie entre nous y était aussi pour quelque chose, c’est évident. Dès le premier regard, dès le premier contact de sa peau sur la mienne, tout mon épiderme avait réagi, intensément, sans aucune retenue. Mais au-delà de cette alchimie, en plus de ce qui est déjà un formidable cadeau du ciel, ces deux peaux qui frémissent de concert, il y avait lui, et la jouissance qu’il éprouvait à m’en donner. Je crois qu’il vivait chacun de mes orgasmes comme une victoire personnelle.
Il savait prendre, aussi. C’est plus rare qu’on ne pense, du moins d’après mon expérience, à ce jour. Les hommes aiment généralement garder le contrôle, c’est du moins ce que j’avais toujours vécu. Lorsque je le les suçais, par exemple, il fallait toujours qu’ils attrapent ma tête, calent le rythme sur leur plaisir sans tenir compte de moi, quitte à m’étouffer avec leur sexe. Les fellations, pour moi, relevaient plus de la corvée que du don. Il fallait toujours que je me force un peu, et je n’allais jamais jusqu’au bout, préférant finir à la main ce que j’avais commencé du bout des lèvres.
Avec Cyril, c’était différent. La première fois que je lui ai donné du plaisir, il venait lui-même de me faire jouir rien qu’avec ses doigts, déclenchant des raz-de-marée dans mon vagin, sa bouche collée contre la mienne, l’autre main tendrement perdue dans mes cheveux. Encore haletante, j’ai été comme submergée par l’envie de lui offrir ce que lui venait de m’offrir, une fois encore. Nous sortions ensemble depuis plusieurs jours déjà, jamais il ne m’avait rien demandé, je crois que c’est aussi pour ça que j’en ai eu envie.
Je n’avais toujours pas repris ma respiration quand j’ai glissé vers son sexe. Il bandait, parce que me faire jouir le faisait bander, mais il n’était pas encore aussi dur qu’il pouvait l’être. J’ai commencé à caresser son gland du bout de la langue, je l’ai senti frémir. J’ai augmenté la pression, puis fait descendre mes caresses là où un petit bout de chair fait le lien entre le bout du sexe et la peau qui se plisse et se défroisse, selon l’excitation de l’homme. J’ai accentué encore un peu le mouvement de ma langue, puis je suis remontée et ai pris délicatement son gland entre mes lèvres. Je l’ai tété avec douceur. Lui se laissait faire, avait parfois un petit gémissement de plaisir, et contrairement aux autres hommes, ne me tirait pas les cheveux, ne bougeait pas frénétiquement le bassin pour que j’aille plus vite, plus profondément, plus fort. Il me laissait faire, j’étais la maitresse, réellement.
Le sentir aussi pleinement abandonné à ma bouche m’a enhardie, j’ai littéralement plongé sur lui, l’avalant d’une seule bouchée, sans crier gare. Je l’ai aspiré, sucé, léché, j’ai fait de ma bouche une oasis douce et chaude, j’ai joué de mes lèvres pour varier la pression, ma langue prenant des initiatives dont je ne l’aurais pas cru capable. En l’écoutant gémir, en sentant sa peau frémir sous mes doigts, en découvrant le gout de sa bite sous mon palais, j’ai enfin compris le plaisir d’en donner. Je ne l’ai pas compris, non. Je l’ai senti. L’excitation de l’autre peut être terriblement contagieuse, je mouillais en le suçant.
Je me retrouvais en apnée entre ses cuisses. Pour reprendre mon souffle, je le prenais dans ma main, imprimant un nouveau rythme, une autre caresse à ce plaisir que je découvrais. Le temps d’une profonde inspiration, et je plongeais mon nez dans son aine, ma langue irrésistiblement attirée par ce no-womans-land entre la base des testicules et l’anus, que je léchais aussi, étonnée de ma propre audace. Puis je revenais à son sexe, le reprenais, le lâchais de nouveau… J’avais l’impression que tous mes sens se focalisaient sur lui. Son gout faisait enfler mes papilles, la douceur de son gland caressait la rugosité de mon palais, son odeur semblait changer au gré de son excitation, ses soupirs de plaisir me rendaient ivre de bonheur, et alors que je levais les yeux vers son visage, sans le quitter des lèvres, la vision de son visage crispé de jouissance m’a émue bien plus que je n’avais jamais été émue à ce jour.
Il a joui dans ma bouche, il a été le premier, et j’ai avalé chaque gorgée de sperme avec autant de jubilation que s’il s’agissait du plus grand millésime de champagne…
Combien de temps sommes-nous sortis ensemble ainsi, avant de franchir ce fameux pas qui m’a amenée là où je n’aurais jamais pensé aller ? Je ne sais plus. Trois semaines, quatre, deux mois peut-être. Avec Cyril, le temps ne s’écoulait plus de la même façon. Je ne comptais plus en jours ou en heures, mais en orgasmes ! Nous nous voyions tous les jours, passions toutes nos nuits ensemble, sauf lorsqu’il s’absentait pour de mystérieuses affaires. Il était alors injoignable, parfois deux ou trois jours, puis revenait m’attendre devant le magasin, sans prévenir. Je n’avais pas de numéro de téléphone où le joindre, pas d’adresse mail, rien que ce grand loft dont il m’avait dit un jour que c’était celui d’un ami, momentanément occupé à l’étranger.
Étrange ce que le pouvoir du sexe peut nous faire faire. Moi, fille sage, conformiste presque, conventionnelle en tout cas, j’acceptais avec Cyril de perdre tous mes repères socioculturels. Quel était son métier ? Que faisait-il de ses journées pendant que moi je rêvassais vaguement entre les chaussures ? Où allait-il les soirs où il ne m’attendait pas à la sortie de mon boulot ? Je n’en sais rien. Un soir, au tout début de notre relation, j’avais tenté une discussion « normale », basique, de celles dont j’avais l’habitude avec les autres hommes. Cyril m’avait souri et clos la bouche d’un baiser. J’avais fini par trouver délicieusement exotique, anticonformiste, rebelle presque, le couple que nous formions. Et quand curiosité et jalousie, aussi, pointaient le bout du nez, lorsque par hasard je réactivais mon cerveau, il suffisait d’une nuit, d’une heure avec mon amant pour les faire taire.
J’avais réussi à me convaincre que notre histoire était unique et que j’étais la seule, dans ses bras.
Il faut dire que, parfois, il me le murmurait à l’oreille, pendant que nous faisions l’amour. Son corps de mâle sur ma silhouette de poupée, sa bouche collée à mon lobe, je l’entendais me dire, dans un râle, que jamais il n’avait vécu ça. Qu’aucune femme avant moi ne l’avait autant séduit. Que jamais il n’aurait cru me rencontrer un jour. Qu’aucune autre après moi ne pourrait lui donner tant.
Jamais. Aucune. Je n’avais plus que cette ritournelle, en moi. Et plus que tout, j’aimais qu’il me la susurre quand, après m’avoir prise par derrière, une main sur ma nuque, l’autre retenant ma hanche, il s’affaissait sur moi et que je sentais sa queue se détendre, lentement, entre mes cuisses brulantes. Jamais. Aucune.
Cyril était un amant doux, fougueux, expérimenté, tendre… À son contact, je devins sauvage, gourmande, violente presque dans mon désir de lui. La toute première nuit, il avait laissé de faibles suçons sur mon corps, dans le cou, entre les cuisses, juste au-dessous de l’aisselle. Plus nous couchions ensemble, plus je lui demandais de me mordre, de me marquer de ses dents, de faire de moi sa chose. Une nuit, alors qu’il me prenait par derrière, claquant son bassin contre le mien avec force mais tout en retenue, j’ai voulu qu’il aille plus fort, plus vite, plus profond en moi. J’ai commencé à bouger, j’étais à quatre pattes, j’ai fait faire à mon corps un mouvement de balancier de plus en plus rapide, nos peaux moites produisaient un bruit qui me rendait folle, en se cognant, bassin contre bassin. Il a dû aimer, sa main droite a quitté ma hanche et s’est abattue sur ma fesse, claquement de chair, obscène, puissant, troublant… Excitant.
J’ai appris à aimer qu’il me fesse, j’ai appris à le lui demander, l’implorant presque de me communiquer son plaisir à travers l’empreinte rouge de ses doigts sur ma peau de blonde.
Un matin, je l’ai vu sortir de la douche. Il était beau, nu, encore humide, avec son air repu de bel animal qui a baisé toute la nuit. Je n’ai pas résisté, je me suis agenouillée devant lui, la bouche encore chaude de café. Je l’ai pris en ma bouche, je l’ai sucé, et alors que je sentais son excitation atteindre son paroxysme, j’ai pris sa main, je l’ai glissé dans mes cheveux, j’ai serré ses doigts, fort. J’avais jusqu’alors pris ce geste pour de la bestialité, une forme de domination de l’homme sur la femme, domination à laquelle je n’avais nulle envie de me soumettre. Or, avec lui, j’en ai eu envie, envie jusqu’à sentir les larmes couler sur mon visage où elles se mélangeaient au sperme qui giclait de son sexe satisfait. Des larmes non pas de douleur et pourtant, Dieu sait qu’il les tirait, mes cheveux, pris dans son ivresse sans limite ! C’étaient des larmes de plaisir et de vertige parce que parfois, douleur et jouissance, soumission et plaisir, abandon et amour peuvent être proches, si proches… que l’humain ne peut plus les discerner l’un de l’autre, et que le tout ne fait plus qu’un dans un seul et unique orgasme.
J’étais bien, j’étais heureuse, épanouie, et amoureuse. Je pensais que notre histoire était éternelle, que nous nous étions trouvés, que plus rien ne nous séparerait jamais. J’étais si sure de moi, si sure de nous, que je n’ai même pas essayé de le dissuader lorsqu’il m’a proposé une sortie particulière. Une sortie d’un autre genre. Une sortie au Club.
Nous étions ensemble depuis quelques semaines seulement, et sexuellement parlant, j’étais plus que comblée. Avec Cyril, j’avais appris en peu de temps plus qu’avec tous mes amants précédents en une décennie de sexe sans saveur. J’avais appris mon corps, et celui d’un homme, les zones érogènes et comment les faire vibrer, j’avais appris ce que j’aimais, et ce que j’étais capable de faire. Aussi sa proposition m’a-t-elle surprise, mais je n’y voyais pas de malice. Après tout, n’étais-je pas devenue une sorte de maîtresse-femme ? Une amoureuse de talent, une jouisseuse sans complexe, et, selon l’homme auquel je devais cette évolution, celle qui le faisait jouir comme jamais aucune femme ne l’avait fait jouir ? Jamais. Aucune. Je me croyais amoureuse, j’étais surtout naïve.
J’avais vécu tout ce vendredi comme dans un rêve ou plutôt comme dans une sorte de transe. J’ai erré entre les boites de chaussures, j’ai servi des clients tel un automate, je réagissais, je parlais, je fonctionnais, mais dans ma tête, j’étais ailleurs. J’étais au Club. J’essayais d’imaginer la soirée, notre arrivée, la file d’attente, les gens qu’éventuellement on reconnait, et puis, plus audacieuse désormais, j’essayais aussi d’imaginer ce que nous ferions, Cyril et moi, une fois la lourde porte, une fois le rideau sombre franchi. Toute la journée, je n’ai pensé qu’à ça. J’éludais cependant la seule question que j’aurais dû me poser : pourquoi Cyril voulait-il m’y amener ? Je nous croyais si bien dans l’intimité du loft…
Le matin, il m’avait posé dans les bras deux cartons, murmuré à l’oreille que je ne devais pas les ouvrir avant d’être rentrée chez moi, le soir, et qu’il passerait me prendre vers minuit. Docile et troublée, j’avais déposé ses cadeaux dans l’arrière-boutique, et m’étais interdit de les ouvrir. Je suis passée devant plusieurs fois, leur ai jeté des regards furtifs en essayant d’en deviner le contenu, mais j’ai résisté à l’envie de soulever le couvercle. À peine rentrée chez moi, fiévreuse, légèrement angoissée, j’ai ouvert les boîtes et… C’était une tenue, ma première tenue, comment dire ? Osée ! Du latex noir, jupe moulante, haut bustier sans bretelles, une coupe que j’aurais trouvée vulgaire peu de temps auparavant. Des bas. Et la paire de talons aiguilles la plus vertigineuse qu’il m’ait jamais été donnée de voir ! Cuir noir et strass brillant, des talons comme des sabres laser ! Un tube de rouge à lèvres rouge grenat, d’un ton qui allait étonnamment bien avec la carnation de ma peau. Pas de sous-vêtements. Pas même le moindre string.
Il devait venir me chercher à minuit, j’étais prête une heure avant. Fébrile. Excitée. Anxieuse, aussi. Il est arrivé à l’heure. Il portait un smoking incroyablement bien coupé et un loup noir sur son visage. Il avait plaqué ses cheveux en arrière et ne portait pas le même parfum que d’habitude. Il était beau, sexy, désirable. Une vague de peur s’est soudain emparée de moi, j’étais prête à le supplier de me prendre là, tout de suite, sur mon carrelage froid. Finalement, je ne voulais plus sortir. Finalement, je voulais rester là, je voulais qu’il me plaque contre le mur et me pilonne sans préliminaires, je voulais qu’il me fesse, qu’il me morde, qu’il m’insulte, qu’il m’étouffe de son sexe, tout ! J’étais prête à tout… sauf à aller au Club.
Il ne m’a même pas laissée l’embrasser. Il m’a intimé le silence d’un doigt sur ses lèvres. Il a pris mon visage entre ses mains, brièvement. Sous le masque, son regard était plus brûlant encore que d’habitude. Il a effleuré mes lèvres, puis m’a prise par la main. Dehors, un taxi nous attendait, je crois que Cyril connaissait le chauffeur. Pendant le trajet, un air d’opéra connu résonnait dans l’intimité de l’habitacle. Nous n’avons pas échangé un mot.
De nos jours, tout le monde ou presque sait où sont les clubs. Celui-ci était juste à la sortie de la ville, dans les locaux d’une ancienne discothèque. Les lettres rouges clignotaient, visibles depuis l’autoroute qui passait non loin de là. Il était presque une heure du matin, le parking était plein, et un va-et-vient incessant de taxis donnait à l’endroit un air de sortie d’école. Cyril a payé le taxi, est descendu, a fait le tour du véhicule, est venu m’ouvrir la portière et me tendre la main. Mes jambes tremblaient tellement que j’ai eu peur de plier mes talons comme une simple paille, mais Cyril m’a prise par la taille et j’ai réussi à faire les quelques pas qui nous séparaient de l’entrée. Plus nous approchions, plus je sentais le goudron vibrer sous des basses rythmées.
Il n’y avait pas de file d’attente, pas de voisins que l’on croise par hasard, gêné. Des lettres rouges qui clignotaient mais sinon : la discrétion. Juste une porte avec un judas, à peine quelques secondes, le temps d’être identifiés par un œil invisible. Juste une musique qui se faisait de plus en plus présente au fur et à mesure que nous avancions. Juste un rideau qui s’est écarté devant nous, comme par magie…
À quoi m’étais-je attendue, auparavant ? Qu’avais-je imaginé ? Rien. Je n’étais pas capable d’imaginer quoi que ce soit. Ce que je découvrais ici dépassait à la fois mes craintes et mes fantasmes. La main chaude et ferme de Cyril, dans le creux de mes reins, me poussait vers un îlot de lumières tout au fond de l’immense salle. Sur le chemin, plusieurs petites pistes de danse s’enfilaient, entourées d’estrades, elles-mêmes recouvertes de coussins, de canapés bas. Les lumières étaient tamisées, douces, caressantes. La musique n’était pas vraiment musique, elle était rythme, vibrations, ondulations. Lumières et musique, on aurait dit que les deux s’accordaient au rythme de l’acte sexuel, elles pulsaient, s’adoucissaient, communiquaient, puis repartaient de concert vers un paroxysme endiablé.
Sur les pistes, sur les estrades, des femmes, des hommes, masqués ou pas, jeunes, vieux, beaux ou franchement pas terribles. Leurs corps se frôlaient, se rapprochaient puis s’éloignaient, certains dansaient, d’autres se regardaient, d’autres encore murmuraient… Il y avait des couples ou plutôt des groupes, parfois, qui se touchaient, aussi. Pas de scènes de sexe, non. Mais en traversant la salle pour arriver jusqu’au bar, j’ai eu l’impression de traverser une mer mouvante de désir. Une esquisse animale plus que cette immense orgie qu’on associe peut-être à un club échangiste.
Arrivé au bar, mon amant m’a soulevée des deux mains et m’a assise sur un des tabourets en forme de bouche rouge et pulpeuse. Il a fait un geste au barman puis s’est tourné vers la salle. J’ai suivi son regard.
Perchée sur mon tabouret, aidée par la pénombre et la mélopée enivrante, je voyais un lac onduler sous mes yeux. Mais peu à peu, imperceptiblement presque, j’ai senti plus que vu un changement. Une modification dans le sens de la vague humaine. Comme si une énergie venait briser un flux stable. Comme un ricochet sur un lac. Je regardais, fascinée, la dynamique de la danse changer de direction. Et alors que, à notre arrivée, les couples, les groupes, les individus, tournaient autour d’eux-mêmes dans une danse rituelle, là, petit à petit, les vagues ont comme changé de direction, une, puis deux, puis trois personnes, puis des petits groupes, des duos, des trios, se sont tournés vers nous, non : se sont retournés vers moi. Je sentais un frémissement traverser cette masse humaine devant moi, tous étaient là pour prendre du plaisir, et c’est vers moi que leurs regards se tournaient.
Comme un ricochet sur un lac. Et j’étais le caillou, la pierre que Cyril venait de lancer dans ces eaux troubles…
J’ai senti une main me caresser une fesse alors que je découvrais l’étonnant cocktail que le barman venait de placer devant nous. D’une couleur verte, le liquide lançait des éclairs irisés sur le bar. Cyril était à côté de moi, il tournait le dos au bar et n’avait pas encore touché son verre, mais je savais que cette main n’était pas la sienne. J’ai levé la tête. Dans l’immense miroir derrière le barman, j’ai vu la silhouette d’un inconnu juste derrière moi. La tête penchée sur ma nuque, c’est lui qui découvrait mes formes d’une main. Je ne voyais pas l’autre. Un homme, qui portait lui aussi un loup, se rapprochait sur ma gauche ; il s’est accoudé au bar, négligemment. Après avoir capté mon regard dans la glace, il s’est tourné vers moi, et tandis que son bras gauche restait nonchalamment posé sur le comptoir, sa main droite a commencé à dégrafer mon corsage. Il était doué, il jouait lentement avec chaque bouton, des boutons que moi j’avais mis tant de temps à fermer…
Sensation étrange : les choses évoluaient à la fois vite et au ralenti. Je n’avais pas encore bu la première gorgée de la boisson posée devant moi qu’une jeune femme, très belle, une brune ardente dans un fourreau rouge, s’est glissée entre Cyril et moi. Avant même que j’aie pu craindre qu’elle ne touche à mon amant, elle a attrapé mon visage des deux mains et m’a léché les lèvres, en douceur. J’ai senti une main se glisser entre mes cuisses. Instinctivement, j’ai écarté les jambes. Immédiatement, des doigts chauds ont répondu à cette invitation implicite. Mes seins ont jailli de mon corsage. Je n’avais pas encore touché au verre que déjà, j’étais ivre. Je n’entendais plus le rythme de la musique. J’étais la musique. J’étais le rythme.
Une langue effleurait à peine le bout d’un mamelon et soudain, tout s’est arrêté. Telles des abeilles fuyant leur ruche, doigts et langues se sont éloignés, me laissant seule devant un cocktail fluo. J’ai rouvert les yeux. Dans le miroir, j’ai vu briller la lueur du regard de Cyril. Il me fixait, j’ai dû rougir, honteuse d’avoir cédé si vite à d’autres avances que les siennes. Il m’a souri, a déposé dans mon cou un de ces baisers au goût de frisson dont il avait le secret, puis, prenant nos deux verres et m’appelant d’un regard, il s’est dirigé vers un coin de la grande salle. J’ai fait ce qui était devenu ma nature, je l’ai suivi.
Il marchait devant moi, tout comme la première fois. Sûr, déterminé et nonchalant. Nous sommes passés ainsi devant des danseurs aguichants, des humains animaux, des silhouettes enlacées…
Cyril s’est arrêté devant un rideau noir que je n’ai remarqué qu’au dernier moment. Il a eu comme un temps d’arrêt, puis s’est retourné vers moi, m’a tendu mon verre et, d’un geste théâtral, a écarté le tissu. D’un mouvement de tête, il m’a invitée à avancer. J’ai alors vraiment pénétré le Club.
J’ai d’abord été saisie par l’odeur, une odeur indéfinissable, puissante, animale. En avançant un peu dans la salle obscure, j’ai compris. C’était l’odeur du sexe. L’odeur de tous ces jus humains qui se mélangent : sperme, sueur, salive, effluves de femmes chargées de plaisir… Ce nouveau cocktail qui s’infiltrait dans chacun de mes pores m’enivrait bien plus que ce liquide vert que j’avais encore à peine touché. Cyril m’a prise par la main, nous avons avancé entre des couples ou plutôt entre des grappes d’humains, agglomérés les uns aux autres, collés dans un même élan de désir, de pulsions, d’instincts sexuels que plus rien, aucune gène ni aucune contrainte sociale ne retenaient. Si je devais dessiner ce que j’ai vu ce soir-là, j’en serais incapable. Si je devais raconter ma première sortie dans le Club, je créerais un parfum et graverais un fichier de sons, soupirs, souffles, respirations, râles, gémissements, cris… Ce que je traversais là, à côté de mon amant, ce n’était pas une orgie. C’était une version démultipliée de nos propres ébats, un miroir grossissant de nos baises, un kaléidoscope de nos orgasmes.
Je voyais des hommes au-dessus de femmes offertes, des sexes dressés, des regards ivres de jouissance jusqu’aux limites de la folie. J’apercevais des femmes chevauchant des hommes pendant que d’autres les besognaient par derrière, des femmes arc-boutées l’une sur l’autre, bouches luisantes, cuisses entrouvertes. Je voyais des hommes s’empoigner fermement, jouer des combats de lutte romaine avec une hargne proche de la bestialité. Je distinguais des femmes agenouillées devant des hommes au visage crispé de plaisir, et d’autres allongées dans des pauses extatiques, une queue dans une main, un homme sur elle, un autre approchant son sexe de leur bouche. Je surprenais quelques scènes tendres, aussi, des baisers fougueux, des caresses, des couples enlacés en regardant d’autres, d’un air rêveur.
J’étais… subjuguée. Hypnotisée. Comme droguée par ces images d’humains libérés de tout complexe, de toute pudeur. J’avais l’impression d’être arrivée chez moi, enfin ! Sans même m’en rendre compte, j’ai lâché la main de Cyril et j’ai avancé, seule, dans cet amas de corps dont la plupart n’étaient que partiellement dénudés. Ici, on allait à l’essentiel, ici on prenait les bouts de corps que l’on désirait le plus, et on offrait les parties de soi que l’on savait particulièrement réceptives. Un vaste puzzle humain s’offrait ainsi à moi, amas de chairs en émois. Il ne tenait qu’à moi de me joindre à l’ivresse. Je n’ai pas résisté longtemps. Quelques pas à peine, et puis une main sur ma cheville, un bras autour de ma taille, un souffle chaud contre mon oreille… Des températures de peau différentes, des odeurs multiples, des voix rauques murmurant que j’étais belle et qu’on me désirait… Je titubais, presque, puis me laissais tomber, légère, sur le sol chaud et doux du Club. Des bouches, des langues, des sexes s’offraient à moi, hommes, femmes, peu m’importait ; je découvrais des peaux, des textures, je sentais différentes chaleurs se glisser sous ma jupe, des mains jouer sous mon corsage, des lèvres suçaient les miennes, des doigts, des queues, des langues s’introduisaient en moi, je n’étais plus Mélodie, j’étais musique, j’étais désir, plaisir, j’étais sexe… J’étais l’apothéose d’un corps enfin explosant hors de tout carcan, hors de tout complexe, hors de tout, hors du temps…
Au petit matin, j’ai titubé hors du Club, des lambeaux de latex tombaient de mon corps comme une mue reptilienne, inutile désormais. Pieds nus, vêtue de parfums qui n’étaient pas les miens, j’ai cherché Cyril. Je cherchais mon merveilleux amant grâce à qui j’avais découvert le Club, grâce à qui je m’étais découverte moi-même.
Il avait disparu.
Que dire de plus ? Il n’était plus là. Je l’avais perdu au moment où j’avais lâché sa main pour m’offrir à d’autres et je ne l’ai plus jamais retrouvé. Rien, aucune tentative ne me l’a jamais rendu, le propriétaire du loft ne le connaissait pas, il avait laissé les clés à un ami qui les avait laissées à un ami qui…
Depuis cette nuit, je continue d’y aller, au Club. Inlassablement, chaque soir ou presque, je me prépare, appelle le taxi, pousse le lourd rideau sombre… mais quelque chose a changé. Maintenant, quand je me jette dans ce brasier humain, quand je plonge dans cette mer de corps, je ne cherche qu’une chose, je ne désire retrouver qu’une sensation… le regard de Cyril, posé sur moi, et moi seule.
Photo d’illustration © Ti Murray-Wyles pour Pixabay
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